till death do us apart... + ft. Decim

Elle ne savait pas ce qui l'attendait. Elle connaissait la théorie : la réincarnation. Mais comment cela se passerait-il ? Allait-elle s'endormir ? Disparaître et renaître ? Elle n'aurait aucun souvenir de cette vie et du Quindecim, ça, oui. Elle allait les oublier, elle allait l'oublier. Lui aussi, il allait finir par l'oublier. Il allait récolter sa marionnette, l'habiller et la déposer quelque part. Où ? Où serait-elle l'accompagnatrice des futurs jugements ?

Chiyuki eut un léger soupir. Ils allaient s'oublier et ces quelques moments, ensemble, ne seraient qu'un fragment, jeté à la poubelle. Ses doigts passaient sur ses poignets, là où elle avait coupé. Là où elle aurait dû sentir la texture plastique du corps de la marionnette découverte de sa fausse peau. Sauf que ce ne fut pas ça, la sensation. Non, ce fut... les cicatrices de ses mutilations. La jeune femme regardait ses poignets. Il n'y avait plus les traces d'usure... Elle fronçait les sourcils quand, devant elle, l'ascenseur s'ouvrit sur le hall d'un hôtel.

Si la réincarnation avait un nouveau jeu, elle allait finir par trouver l'après-vie répétitive. La jeune femme avançait, elle se glissait dans le brouhaha des personnes. Des couples venus passés un week-end en amoureux. Des hommes - ou des femmes - qui venaient pour un voyage d'affaires. Dehors, elle voyait le ciel pour la première fois depuis cette allusion, cette mise en scène par Decim... Elle voyait les voitures qui roulaient, les conducteurs qui s'énervaient sur certains ou qui étaient blasés d'un tel trafic... Tout semblait si... Réel.

Tokyo. Elle serait à Tokyo ? Était-ce... Non, son jugement s'était déjà déroulé. Ça ne pouvait pas l'être... Elle ne pouvait pas être à nouveau jugée. Decim lui avait donné une nouvelle chance. Il lui avait offert la possibilité de revenir, de revoir - sans le savoir - sa mère... Alors, pourquoi...

Son cœur battait de plus en plus vite, la jeune femme posant ses mains sur sa poitrine... Ce ne pouvait pas, non plus, être la vie réelle. Elle était morte ! Elle avait refusé... Non, elle avait supplié Decim de sacrifier une vie pour la sienne... Elle... Oh non... L'albinos était là. Dans la foule. Toujours cet air de chaton perdu sur le visage. Il l'avait fait ! Il... Comment avait-il pu oser ?! Elle l'avait supplié, oui ! Mais une vie pour la sienne ? Une vie pour... Oublier la douleur de sa mort, pour retrouver les siens ?!

L'ancienne patineuse marchait hâtivement vers lui, ses talons claquant sur le carrelage en marbre de cet hôtel de luxe, et elle ne put retenir la claque. Elle le frappait au visage avant de l'attraper par le col de sa chemise, les larmes aux yeux.

"Pourquoi ?! Pourquoi suis-je ici ?! Quelle vie as-tu sacrifiée pour que je sois en vie ?! Pourquoi as-tu fait ça, Decim ?!"

Et pourquoi es-tu venu...

Ce regard bleu si inexpressif hormis lorsqu’il recevait des souvenirs de mortels devenus marionnettes. Elle se mordait les lèvres en se rappelant des larmes apparues dans ses iris azuréens, ce bleu désormais troublé par l’incompréhension. Il était perdu… Ce qui était normal. Il était ici. Au beau milieu de Tokyo, lui qui n’avait connu ces lieux que via les souvenirs de certaines âmes.

“Comment peux-tu n’avoir rien fait et que je sois ici ?”

Elle était en vie. Enfin, l’était-elle réellement ? Son corps était-il le sien ou était-il celui d’une marionnette avec un semblant de vie palpitant en lui ? Qu’était-elle ? Était-elle humaine ? En vie ? Était-ce un jeu ?

“Comment peut-on être, toi et moi, au milieu de Tokyo ?!”

L’ancienne patineuse le relâchait finalement. Elle observait ses poignets, les traces de ses mutilations présentes mais elles semblaient vieilles. Comment cela se faisait-il ? Elle ne les avait jamais eues au Quindecim.

“Est-ce réellement Tokyo ou…”

Ou une illusion comme celle où il lui avait montré sa mère. Une illusion créée de toutes pièces… Que se passait-il ? Jouait-il ? Il n’avait pas l’âme d’un menteur, lorsqu’il ne pouvait pas dire ce qui se passait… Il le disait… Mais lors de cette vision, où elle voyait sa mère devant un autel sur sa mort… Il lui avait dit que c’était la réalité… Une réalité éclatée quand l’arbitre perdait son inhumanité…

“Decim… Sois sincère… le suppliait-elle.”