Vision double ! Ft. A-Ling

La vie, ici, n'est pas si désagréable. Tu t'y es habitué, comme tu sais très bien le faire. L'adaptation est l'une de tes qualités, après tout, non ? De plus, ce n'est pas vraiment comme si ton environnement avait drastiquement changé : les personnes qui t'entourent sont sensiblement les mêmes. Ce qui est un peu plus étrange, c'est de partager un appartement avec Nie Mingjue. Non pas que cela te dérange ... Mais ... Tout de même. Tu te sens aussi gêné que vaniteux. Gêné parce qu'une part de toi aura toujours l'impression de ne pas être à sa place ; vaniteux parce que l'autre part de toi se sent justement à sa juste place. Sur un pied d'égalité avec quelqu'un de si fier et valeureux qu'un chef de clan. Ces sentiments entrent en dualités mais tu les dissimules à la perfection derrière ton sourire.

Quoiqu'il en soit, cet endroit est étrange. Il apporte beaucoup de questions. Dont une, en particulier, qui te taraude et t'inquiète. La présence d'un toi bien différent. Tu ne sais pas vraiment comment cela est possible, s'il s'agit d'une incarnation alternative, d'une autre vie - et si tel est le cas,  être jaloux de soi-même est une expérience unique, que tu es bel et bien en train de vivre. Mais tu dois avant tout en apprendre davantage. Et qui de mieux que ce jeune homme, Jin Ling, qui vit partiellement chez ton double ? Tu pourrais peut-être provoquer une rencontre, et lui poser des questions...

C'est ce que tu fais, d'ailleurs, en planifiant soigneusement une rencontre parfaitement fortuite. Tu es allé faire quelques courses et as attendu le passage de Jin Ling dans la cour de l'immeuble. Tu as alors pris un pas empressé, comme si tu étais en retard pour quelque chose et portait un lourd poids dans tes mains.... Avant de heurter le jeune homme, qui a sensiblement ton âge, ou presque, de plein fouet. BAM. Voilà que tu te retrouves par terre avec les provisions éparpillées sur le sol. Le choc t'a véritablement étourdi, mais tu te redresses sur les genoux en massant ton front. Tu t'empresses de tendre une main secourable au jeune homme, les sourcils légèrement froncés d'une fausse inquiétude.

« Ouch... Cet humble Meng Yao te demande pardon. Tu vas bien, tu n'as pas mal ? »

Tu distilles une brève information, pour tâter le terrain.
  

C’est une semaine où Jin Ling est avec son Jiujiu, mais exceptionnellement ce soir, il dormait chez son shufu, pour une occasion bien particulière : son anniversaire. Enfin, il en avait parlé à Jiang Cheng, sans informer Jin Guangyao, il veut lui faire la surprise. Son Shufu avait toujours mis un point d’honneur à organiser une grande cérémonie à chaque fois qu’il prenait une année. Ce qui ne faisait pas toujours plaisir au principal concerné, qui n’aime pas le monde, mais il acceptait sans broncher, si c’était important pour son shufu. Néanmoins, le contraire n’est pas vrai. Ils n’ont jamais fêté l’anniversaire de Jin Guangyao qui tombait en même temps que celui de son demi-frère, le père de Jin Ling. Ce jour festif est devenu un jour de deuil.

Dans ce monde moderne, Jin Ling tient à lui faire un petit quelque chose. Il a cherché une recette pour un gâteau puis les aliments au supermarché. Le tout après une balade en ville pour des présents, mais aussi des décorations. Il a dépensé peut-être un peu trop excessivement pour l’occasion, mais il fera en sorte de laisser son porte monnaie judicieusement ouvert et presque vide, sur la table, avant de dormir.

En rentrant à la maison, il n’a à peine le temps d’entrer dans la cour qu’il est percuté de plein fouet. L’individu le percute, et les deux tombent par terre. Jin Ling pousse un hurlement quand ses commissions en font de même mais a au moins le réflexe de rattraper le sac avec les différents cadeaux.

“TOI !!!!! TU MERITERAIS QUE JE TE BRISE LES JAMBES !!!” hurle-t-il contrarié … avant de se calmer lorsqu’il s’excuse. Non pas à cause de ses excuses, mais le nom qu’il prononce, qui lui est familier. Jin Ling en a entendu parlé mais n’a pas eu l’occasion de le rencontrer.

“Bon … Ce n’est pas si grave.” fini-t-il par dire. Jin Ling refuse la main tendue et se redresse lui même. Il est un grand garçon.

C’est quand même contrarié qu’il ramasse ses sacs et jette un coup d’oeil aux siens.

“Tu vas faire la fête avec Zewu-Jun ce soir ?”

La réaction est des plus vives. Tu es tout d'abord un peu surpris par ces exclamations et ce changement d'humeur tout aussi brusque. Tu écarquilles légèrement les yeux et regardes Jin Ling se relever pour ramasser ses courses qui se composent.... De divers éléments pour faire de la pâtisserie. Pour ne pas avoir l'air d'être intrusif, tu te dépêches de ramasser t'es propres sacs. La question qu'il te pose alors t'interloque.

Toi? Faire la fête avec l'estimé Zewu-jun ? Ton cœur s'emballe et tu secoues très humblement la tête.

"Une fête avec Zewu-Jun ? Je ne me permettrais pas d'envisager cette éventualité." réponds-tu avec raison. "Je vois en revanche que tu t'apprêtes, toi, à célébrer quelque chose."

Tu n'as pas oublié la date, bien sûr. Tu sais quel est le jour de cet anniversaire jamais célébré, toujours éclipsé. Seul Zewu-jun (Lan Xichen) et A-Sang ont toujours pris la peine de te remettre un présent. Tu ne comptes pas aux yeux de grand monde, après tout, n'est-ce pas ? Tu souris avec une politesse impeccable.

"Je suis navré de t'avoir heurté. J'espère ne aps avoir abîmé tes marchandises."
  

Jin Ling regarde le jeune homme avec un air perplexe. Bon certes, une fête est un peu exagéré, son oncle est bien trop posé pour s’amuser ouvertement. Mais il n’est pas sans savoir qu’il passe beaucoup plus de temps avec Zewu-Jun qu’avec sa propre femme. La théorie de Jin Ling est qu’il a coupé la manche de Lan Xichen mais qu’il en a épousé une autre pour le bien paraître aux yeux du monde de la cultivation. Surtout quand on parle du cultivateur en chef.

Jin Ling hausse les épaules.

“C’est bon, je sais la vérité pour Zewu-Jun et toi.”

Cela dit, il préfère que ce soit Zewu-Jun que cet idiot de Mo Xuanyu ! Quoi que ce dernier semble avoir maintenant jeté son dévolu sur l’autre frère Lan : Hanguang-Jun. Serait-ce pour faire comme Shufu ? Non vraiment, il lui donne des frissons d’angoisse.

Jin Ling le regarde, comme s’il était devenu fou. Ou stupide. Et bien … Son oncle a développé sa finesse d’esprit bien tardivement.

“Évidemment que je fête quelque chose, c’est l’anniversaire de mon Shufu !”

Il croise les bras avec un air supérieur.

“Ce sera la meilleure soirée de sa vie, et je n’ai même pas besoin de Zewu-Jun pour ça ! Je ne l’ai pas invité de toute façon, tu peux le garder !”

Enfin Jin Ling ne l’a pas invité, mais ce n’est pas impossible qu’il vienne tout de même formuler quelques voeux à son frère juré. Zut, il n’avait pas pensé à ça !! Jin Ling réfléchit à toute vitesse. S’il démonte la sonnette et qu’il éteint le portable de Shufu, ils devraient être tranquilles pour ce soir.

“Tu pourras dire à Zewu-Jun que nous on va faire un karaoke ! Et vous vous allez faire quoi à part boire du thé en regardant les étoiles ?”

Il lève les yeux au ciel. Oui, son oncle ne sait vraiment pas s’amuser. Jin Ling va changer ça. De toute manière, il n’y a qu’avec lui que lui-même peut passer un bon moment, Jin Ling n’est pas réputé pour avoir des amis. Et il n’est pas question qu’il chante avec les deux idiots de Lan !

  Tu commences à avoir une légère migraine. Tu ne sais m'as exactement ce que raconte Jin Ling, tu essayes donc de recoler les morceaux pour qu'ils paraissent logiques. Y a-t-il des rumeurs circulant sur Zewu-jun et lui ? Sait-on que Lan Xichen a trouvé refuge chez lui pour se dissimuler des Wen lorsque son clan était attaqué ? Chez le fils d'une prostitué... Quel déshonneur pour le clan Lan. Tu n'as jamais rien dit à personne. C'est un secret, entre vous. Mais cela s'est-il finalement appris ?

Tes yeux se baissent à nouveau sur les sacs. Tu te sens amer. D'une part, tu as vu juste. Jin Ling est donc... Ton neveu, même si cela est très étrange à dire. Et il célèbre l'anniversaire de son oncle. Quel privilège ! Si tu ne savais pas qu'il était un autre toi, tu aurais pu penser qu'il s'agissait en fait de Jin Zixuan. Le destin s'amuse à te faire des pieds de nez, apparemment.

Tu ne quittes pas ton sourire.

"... J'ai du mal à suivre cette conversation, j'en ai bien peur. Zewu-jun et moi ne sommes pas si familiers. Nous ne boirons certainement pas de thé en regardant les étoiles. Je serais bien honoré qu'il songe à quelqu'un comme moi aujourd'hui. " dis-tu très humblement.

Tu hésites et penches légèrement la tête sur le côté.

"Qu'est-ce qu'un karaoke ?"
  

Ah, peut-être que finalement, il n’a pas encore coupé la manche de Zewu-Jun. Pourtant, il l’a toujours emmené le voir, aussi loin qu’il s’en souvienne. Mais il y a dans ce cas plus importants. Jin Ling le regarde, puis regarde ses propres paquets plein de décorations, aliments pour un repas et un gâteau.

“Mais … Ca veut dire que tu es tout seul ? J’ai une idée !!! Viens avec moi !!!”

Jin Ling prend tous ses sacs d’une main et de l’autre, il prend celle de Meng Yao sans aucune gêne. Une autre personne, il ne l’aurait certainement pas fait, quelle horreur !! Le sourire aux lèvres, il le tire jusqu’à l’ascenseur, faisant fi de ses protestations. De son vivant, aucun shufu ne sera seul pour son anniversaire ! Ca va justement faire une double surprise pour son oncle qui ne l’attend pas.

Ils arrivent donc au 10ème étage, le luxueux penthouse. Rien que le couloir marbré pue la richesse. Il sort ses clés et entre, poussant Meng Yao à l’intérieur.

“Shufu !!! Shufu !!!! Joyeux anniversaire !!! …. Shufu, t’es là ???”

Ah !! Peut-être qu’il n’est pas encore rentré. Jin Ling range donc ses courses, et celle de Meng Yao au passage pour ne pas ce qui doit être au frais et au congèle. Il pourra y récupérer après son anniversaire.

“Il ne va sûrement pas tarder. Assieds toi, je vais te servir du thé mais avant ….”

Il chope quelques outils et entreprend de démonter l’interphone. Zewu-Jun ne viendra pas ce soir !! Shufu restera avec son neveu favori !

Quoi !? Oh ....Tu ne sais vraiment pas si les événements qui s'enchaînent sont une bonne chose, si ils tournent en ta faveur. Récolter des informations sur ton double est une chose, risquer de te retrouver face à lui en est une autre ... Tu ne sais pas quel était le passé de ce toi alternatif. Tu ne sais pas s'il a grandi dans l'opulence des Jin, si votre père l'a reconnu, lui (et pas toi !), ou s'il a eu le même passé que toi... S'il a travaillé dur pour arriver au sommet, comme votre mère l'a toujours souhaité. Tu ne peux pas te permettre d'aller sur un terrain étranger, comme ça, sans être préparé ! Pourtant, Jin Ling insiste trop pour que tu puisses refuser poliment, trouver une excuse sans donner l'impression de t'enfuir. Alors tu prends sur toi, et c'est ainsi que vous arrivez au dernier étage de l'un des immeubles. Il ne te laisse pas d'autre choix : tu es obligé de le suivre, sa main dans la tienne. A part de Huaisang, tu n'as pas l'habitude de cet enthousiasme amical. Et tu dois admettre que c'est quelque chose de ... Plaisant.

S'il n'y avait eu que ce Jin Ling dans l'équation, tu aurais peut-être pu trouver l'idée de passer ton anniversaire en sa compagnie agréable, peut-être (mis à part le fait qu'il soit un Jin lui aussi gâté par la vie).

Lorsque vous entrez dans le penthouse, l'endroit est démesurément riche. Le hall d'entrée est pavé de marbre noir et élégant, la décoration est riche et pourtant raffinée et épurée, pas trop chargée. Ce n'est pas un étalage de richesse pur, c'est une démonstration de puissance et de pouvoir tout en subtilité. Comme une délicate pivoine bercée par le vent enrobée d'or. Tu es obligé de serrer les dents pour garder ton sourire intact et t'émerveiller très poliment des lieux qui t'impressionnent autant qu'ils te dégoûtent.

Tu quittes poliment tes chaussures à l'entrée et avances dans ce grand appartement, guidé par Jin Ling jusqu'à ce qui doit sans doute être le salon. Le jeune homme te prend tes courses pour les ranger malgré tes protestations et tu ne peux que t'asseoir, désœuvré. Peu habitué à ce que l'on te serve, que l'on te traite en invité, tu te relèves pour t'approcher de Jin Ling.

"C'est sans doute à moi de le faire, que penserait-on de moi si je laissais le jeune maître Jin s'occuper du thé à ma place ?" tu secoues la tête et le regarde démonter un objet qui est, tu crois, l'interphone. Tu arques un sourcil et passes tes mains dans ton dos, la tête penchée sur le côté. "Le jeune maître Jin compte-t-il enfermer Meng Yao ici et le garder captif ?" plaisantes-tu. "De plus, je ne suis pas certain que ton ... Shufu ... soit heureux de me voir, je devrais sûrement ne pas m'imposer."

Dis-tu avec cette même politesse crispée.
Lorsque des clés tournent dans la serrure. Oh non. Quand auras-tu de la chance, une fois, dans ta vie ? Tu recules d'un pas et gardes ton sourire alors qu'une silhouette aussi raffinée et élégante que le reste du penthouse approche.

C'est vraiment toi ? Ce que tu aurais pu être ?

"A-Ling, tu ne devais pas être chez ton jiu-..."

Vous vous figez en même temps. Les couleurs sont drainées de ton reflet un peu plus âgé qui te fait face. Tu déglutis lentement. Tu sais de quoi tu es capable, alors tu te méfies forcément de toi-même. Tu continues cependant de sourire. Lui, il retrouve le sien presque aussitôt, comme si son masque n'avait fait que vaciller.

"Je ne savais pas que nous avions ... Un invité."

  

“A ta place ?” demande Jin Ling d’une voix distraite, tout en continuant de démonter l’interphone. “Tu es mon oncle, pas mon serviteur. Mon petit oncle apparemment ! Regarde, je suis plus grand que toi !” rit Jin Ling en se tenant droit et fier, son tournevis à la main.

“Comme ça, on pourrait presque croire qu’on est frères !”

Peut-être que sa vie aurait été différente s’il avait eu un frère. Mais au fond, il n’aurait pas souhaité que quelqu’un d’autre traverse cette même histoire, cette même douleur .. Mais peut-être qu’il ne se serait pas senti si seul. Mais Jin Ling ne veut pas penser à des choses aussi négatives le jour de l’anniversaire de son oncle. Oh bien sûr, il a une pensée pour son père et s’est déjà recueilli ce matin. Il le fera aussi ce soir. Et ô bien sûr qu’il a ce trou béant dans la poitrine. Pour autant, il veut qu’aujourd’hui, ce jour soit marqué par l’amour et non le manque.

“Oh non ne t’inquiète pas, ça ne va pas déranger Shufu, il est très gentil et aime recevoir du monde. Il sera content que tu partages ce moment avec nous. Et puis, tu es lui après tout !”

L’interphone tombe dans ses mains, et la porte s’ouvre. Loin de voir le malaise entre les deux homologues, Jin Ling sourit de toutes ses dents en levant les bras.

“Shufu !!! Joyeux anniversaire !!! J’ai enfin l’occasion de faire quelque chose pour toi ! J’ai prévu beaucoup de choses pour ce soir, ce sera ton meilleur anniversaire ! Et j’ai croisé jeune shufu ! Il était tout seul aujourd’hui, ça aurait été impoli et terrible de fermer les yeux là dessus, alors je l’ai invité aussi ! Votre premier anniversaire à Echo !”

Il n’y a pas à dire, Jin Ling est vraiment fier de son idée et espère que son oncle sera des plus touchés !

“Par contre, il y a ça qui s’est cassé.”

Il lui donne l’interphone.

“Ah !! Le thé !!!”

Jin Ling les laisse en plan, dans toute leur gêne pour courir dans la cuisine.

Tu es sorti tôt, ce matin, pour aller te promener. Non pas que cela soit une habitude, mais cette journée te paraît déjà interminable. Heureusement, tu n'as plus besoin d'organiser quoique ce soit, ici. Autrefois, il te fallait te décarcasser pour que cette journée célèbre la mémoire de ton défunt frère bien-aimé. Le clan Jin de Lanling entrait alors en période de deuil et de célébrations presque morbide, ton propre anniversaire relégué, comme toujours, au second plan, toujours éclipsé par cette ombre lumineuse derrière laquelle tu n'as cessé de te tenir dissimulé.

Aujourd'hui, la solitude n'échappe pas à la règle. Jin Ling étant chez Jiang Wanyin pour la semaine, tu n'as rien de prévu. Tu espères, sans oser vraiment l'admettre, que Lan Xichen pensera à venir te rendre visite afin que vous puissiez boire un peu de thé, jouer ensemble quelques partitions de musique, et parler tard dans la nuit.

Tu avais aussi quelques petites choses personnelles à régler ...

Lorsque tu retournes chez toi, c'est le milieu de l'après-midi. Et tu sens que quelque chose se prépare, quelque chose qui ne va pas forcément te plaire. Lorsque tu entres dans ton appartement, tu vois aussitôt deux paires de chaussures dans l'entrée. L'une appartient à A-Ling, l'autre ... Tu ne sais pas. Mais la forme et la pointure te semblent désagréablement familière. Tu avances lentement. Tes yeux tombent d'abord sur ton neveu, puis sur ...

Toi.

Les pensées défilent à tout allure dans ton esprit. Un bourdonnement qui emplie tes oreilles. Toi, lorsque tu avais dix-sept ou dix-huit ans. Tu faisais encore parti du clan Nie, très certainement. D'ailleurs, tu sais tout de ton double. Tu l'as croisé un jour et as fait toutes les recherches nécessaires. Il vit chez Nie Mingjue (quelle ironie) et tu ne t'en es donc jamais trop approché (par crainte, bien sûr). Il agit plus ou moins comme serviteur et conseiller, pour Nie Mingjue, comme autrefois, mais avec des fonctions plus modernes. Tu as l'impression qu'un mort est revenu à la vie. Qu'un passé est déterré.

Jin Ling quitte rapidement la pièce. Tu jettes à peine un coup d'oeil à l'interphone qui a été délibérément arraché. A-Ling ... Si innocent. Qui pense sans doute te faire plaisir. Il ne sait rien de toi, de ton passé, et tu as toujours préféré qu'il en soit ainsi.

A-Ling disparu dans la cuisine pour préparer du thé, tu adresses un regard froid à ton double et lui dis courtoisement, à voix basse :

« Tu ne devrais pas rester ici. Nie Mingjue va s'inquiéter, ne penses-tu pas ? Il serait préférable que tu passes ton anniversaire avec eux, et non ici. »

Tu vois le visage de ton double se tendre légèrement, mais lui aussi te sourit, comme un reflet dans le miroir.

« Je doute que Nie Mingjue se tracasse pour un humble conseiller tel que moi. Je ne voudrais pas l'embarrasser de ma présence... Qui plus est, le jeune maître Jin m'a invité. Il serait discourtois de refuser, que lui dirais-tu ? »

Ah-ah. Tu t'approches de quelques pas.

« Fais donc comme chez toi ... Meng Yao. » Pour l'instant.

Tu passes à côté de lui, un frisson parcourant ton échine. Peut-être devrais-tu appeler Er-Ge en renfort, mais tu ne souhaites pas non plus que Meng Yao et lui se retrouvent comme de vieux amis. Tu vas donc dans la cuisiner aider A-Ling à préparer le thé.

« A-Ling ... Je suis heureux de te voir. » dis-tu en plaçant une main chaleureuse sur son épaule. « Ne devais-tu pas être chez ton jiujiu ? Lui as-tu encore faussé compagnie sans le prévenir ? » dis-tu avec une douce réprobation dans la voix.

“Ah Shufu, non je n’ai pas fait de bêtises !” s’empresse de se défendre Jin Ling. Pour une fois il a fait les choses dans l’ordre. “J’ai demandé la permission à Jiujiu pour venir. C’est vrai que c’est sa semaine, mais aujourd’hui, c’est ton jour. Alors je voulais te faire une surprise.”

Il se montre de nouveau droit et fier, bombant le torse, avide de montrer à son oncle toute l’attention qu’il souhaite lui montrer aujourd’hui. Dans ce monde moderne, ces règles ne sont pas les mêmes. Bien entendu, ils sont en deuil … Mais ils font ce deuil depuis maintenant 15 ans, alors peut-être que pour une fois, ils peuvent profiter qu’il n’y ait pas ces longues semaines éprouvantes pour donner un peu de bonheur à son oncle, qui a toujours tout sacrifié pour lui. Son oncle est si humble, Jin Ling ne l’a jamais vu réclamer quoi que ce soit, ou penser à lui, avant de penser à son neveu. C’est le cas de Jiang Cheng également, Jin Ling a conscience que dans son malheur, il a aussi beaucoup de chance de les avoir. Alors parfois, ça ne fait pas de mal de se montrer reconnaissant.

“On n’est pas très heureux tous les deux, n’est-ce pas ? Alors je voulais que pour une fois, tu puisses l’être.”

Après tout, lui aussi a perdu un frère, un père. Il est sa seule famille.

“J’ai toujours pu compter sur toi, alors je voulais te montrer que tu pouvais toi aussi compter sur moi. Et que tu penses un peu à toi aussi. Tu verras, j’ai prévu beaucoup de choses, tu auras des souvenirs plus chaleureux que les grandes fêtes de la carpe dorée !”

Parce que c’est un moment ensemble. Plus intime. Plus sincère. Mais avant de passer à la première activité, Jin Ling apporte donc le thé au salon et sert les deux homologues avant de terminer avec lui même et de s’assoir sur le canapé.

Le silence s’installe, Jin Ling prend le soin de boire une gorgée, avant de le couper, sourcils froncés.

“Au fait .. Je me demandais petit Shufu … Pourquoi travailles-tu avec les Nie ? Tu es un Jin, un des deux gongzi de notre famille, à ton époque. Tu t’es disputé avec la famille ?” Il secoue la tête, peu importe la raison, les Jin … Les Jin ne seront bientôt plus, alors pendant qu’il en est encore temps ….
“Si tu retournes dans ton monde, tu devrais vite te réconcilier avec eux, je suis sûr que grand père Jin-Zongzhu en sera très heureux !”

Que Jin Ling soit spécialement venu aujourd'hui à cette occasion te touche. D'ordinaire, c'est un jour moins souriant, surtout pour ton neveu qui pense souvent aux parents qu'il n'a pas eu la chance de connaître. Tu lui adresses donc un sourire chaleureux.

« Je te remercie A-Ling, je suis heureux de passer du temps avec toi, d'autant plus aujourd'hui. »

Tu dis bien sûr cela pour ton anniversaire mais aussi parce que ce jour vous rappelle ceux que vous avez tous les deux perdus (Oh, quel terrible drame ...) Tu poses donc une main affectueuse sur le sommet de son crâne et lui adresses un sourire doux et réconfortant. Si seulement il n'y avait pas eu cette jeune version de toi dans la pièce d'à côté ... Alors, oui, l'après-midi et la soirée auraient été très agréables.

« Merci, A-Ling. Je suis sûr que ce sera un de mes plus beaux souvenirs. »

En tout cas, ça aurait pu l'être. Mais ton neveu pense bien faire, il n'est ni malveillant ni mal intentionné. Il n'a pas toutes les cartes en main, c'est tout. Et il ne les aura jamais, tu y veilleras, même si tu dois subir ce genre d'étrange soirée. Tu veilleras à ce qu'A-Ling n'en garde pas un mauvais souvenir, en tout cas, de son côté.

Tu l'aides à apporter du thé au salon, là où vous attend votre ... invité. Tu laisses Jin Ling vous servir et notes à quel point Meng Yao serre légèrement les mains sur sa chemise, comme s'il n'avait pas l'habitude de rester inactif, de se faire servir par quelqu'un d'autre. Tu connais ce sentiment. C'est un apprentissage qui n'a pas été si difficile - tu servais Jin Guangshan comme un serviteur dans ta propre maison, avant sa mort. Et ensuite, tu as assez apprécié ta position pour profiter de ses avantages et faire un meilleur travail que ton prédécesseur.

Le silence qui suit est légèrement tendu, et peu coutumier de ta part. Tu es connu pour savoir mettre n'importe qui à son aise, avec ton sourire aimable, ton savoir être et ton sens impeccable de l'accueil. Ta mémoire eidétique te permet de te souvenir du nom, du visage, des habitudes d'une personne dès ta première rencontre avec elle. Mais, aujourd'hui, c'est Jin Ling qui est obligé de briser cet étrange silence. Et la question toute innocente posée crispe tes mains autour de ta tasse. Tu gardes un regard fixe sur Meng Yao qui a très légèrement écarquillé les yeux. Il t'adresse un regard et tu souris d'avantage, l'air de le mettre au défi. Mais tu sais qu'il ne dira rien. Toi, tu n'aurais rien dit, en tout cas. Tu sais que ce sera aussi son cas.

"... C'est un sujet quelque peu délicat." articule-t-il finalement en regardant Jin Ling. "... A une certaine époque, il y a eu beaucoup de tensions entre Jin Guangshan et moi-même." Il fait référence de manière détournée à un événement que nous garderons toujours fermement en mémoire. Une chute et une humiliation inoubliables. "Ton grand-père est un homme parfois difficile à plaire, difficile à combler ; il semblerait que Zixuan ... Que ton père ait beaucoup plus de facilités que moi en la matière. Même si tout semble être rentré dans l'ordre." 

Dit-il en tournant la tête dans ta direction, comme si tout cela était une conversation banale. Meng Yao a déjà l'esprit très affuté, il a relaté sa situation telle qu'elle est sans donner la moindre précision. Tant et si bien que lui et Jin Ling parlent de deux choses totalement différentes mais dont la conversation se rejoint pourtant bel et bien.

« En effet. C'est d'ailleurs pour cela qu'il faut profiter de ceux qui nous sont chers et ne pas raviver la flamme du passé trop souvent afin de vivre dans le présent et regarder vers l'avenir. » dis-tu en changeant doucement le ton de la conversation. « A-Ling, ton thé est délicieux, je te remercie. »
   

Des tensions au point de quitter la famille ? Jin Ling comprend bien que c’est provisoire mais il est quand même surprit de tout cela. Son oncle est un homme posé, pour qui les apparences sont primordiales et lorsqu’il s’agit des Jin, il faut que tout soit parfait. Il a donc du mal à l’imaginer tourner les talons en faisant parler de lui vers les autres sectes, car Jin Ling n’en doute pas, les autres ont dû en parler. Ils parlent toujours. Son père avait plus de facilité avec son grand père ? Il aurait pourtant pensé le contraire. Shufu est si gentil et son père avait la réputation d’avoir, plus jeune, un caractère un peu difficile, qui pourrait un peu rejoindre celui de Jin Ling. Il regarde donc l’un et l’autre …

“..... Je n’ai rien compris.” Il hausse les épaules. “Peu importe.”

Jin Guangyao détourne la conversation et bien évidemment, Jin Ling le suit sans poser plus de questions. Dynamique et plein d’entrain, Jin Ling est du genre à se laisser porter par le vent et ne pas voir ce qui est caché sous la brume.

“C’est un thé que je suis allé chercher vers un herboriste. Ce serait bien d’en reprendre plus tard, il facilite la digestion. J’ai pris de quoi cuisiner quelques petites douceurs. Aujourd’hui on va mettre la main à la patte ! Shushu c’est toi qui t’occupera du gingembre !”

Le surnom affectueux est choisi instinctivement. Il se sent comme autrefois, enfant, où son oncle lui apportait du lait et des biscuits et qu’il avait juste à passer du temps avec lui.

“On va faire des rouleaux de printemps frits, des tangyuan, des raviolis et des nouilles … Finalement c’est peut-être pas mal qu’on soit trois.”

Trois avec deux Meng Yao et pas Zewu-Jun !!! Il l’aime bien hein, mais s’il était là, il lui aurait volé son oncle pour la soirée. Ou plutôt Shufu n’aurait eu des yeux que pour lui. Ses yeux qui ont le coup de foudre. Il lève les yeux au ciel et sort de ses pensées

“Et pour le dessert, des boules de coco ! Puis on a aussi toute la décoration à installer également."

Pour tout ce repas et la décoration, Jin Ling s’est inspiré des banquets que son oncle organisait à la carpe dorée, en beaucoup moins grands et somptueux, mais l’exemple est notable.

“Shufu ! Tu es content ? Puis après le repas, il y aura un jeu de société ! Et un karaoke !”

Tu ne pouvais bien entendu pas dire la vérité, mais tu devais laisser sous entendre quelque chose à ton double, tester le terrain, savoir s'il a vécu les mêmes choses que toi. Etant donné sa réaction, tu supposes que vous avez suivi un parcours de vie similaire et qu'il a fini par arriver à sa position actuelle. Tu te demandes par quels moyens ... Mais tu n'as pas le temps de trop y songer, pour l'instant. Il change de sujet après de sages paroles et Jin Ling suit le mouvement, comme s'il avait l'habitude d'être conduit sur d'autres terrains en cas de conversation indiscrète. Tu notes ces informations pour pouvoir éventuellement les utiliser plus tard.

Lorsque Jin Ling vous évoque tout ce qu'il a prévu de préparer avec votre aide, tu ne peux t'empêcher de sourire et d'étouffer un rire derrière ta main. Ce jeune homme est ambitieux - au moins en cuisine. Mais, quelque part, cela t'amuse un peu malgré la situation tendue et délicate. Shushu. Qu'il doit être doux d'avoir une famille ... Jin Guangyao... A bien de la chance, n'est-ce pas ? Et toi, en auras-tu aussi de la sorte ? Qu'a-t-il fait pour s'assurer cette position ? Tu as l'impression que ce Jin Ling vit à la fois chez Jin Guangyao et à la fois chez un autre oncle. Jin Zixuan serait-il mort ? Et votre père ? Tu avales difficilement ta salive en essayant de ne pas sauter aux conclusions mais tes mains tremblent très légèrement.

« C'est très ambitieux mais je suis certain que nous parviendrons à venir à bout de ces recettes et de ces plats en procédant étape par étape ... Notre invité peut se détendre pendant que nous nous occuperons de préparer cela. » propose très aimablement Jin Guangyao.

Il ne te fait pas confiance, c'est pour cela. Tu hausses légèrement les sourcils et secoue la tête.

"Je vous en prie, je serais heureux de participer aux préparatifs. Après tout, je suis toi, et tu es moi. Nous avons quelques talents culinaires, n'est-il pas vrai ? Nous avons même eu les compliments de Zewu-Jun."

Tu te rends compte que Jin Guangyao est facilement mis dans l'embarras par les souvenirs du passé, et tu ne peux t'empêcher de montrer que tu as des souvenirs bien précis qu'il doit avoir lui aussi en mémoire. Il faut que les choses soient claires entre vous. Et tu souhaites te préserver un peu en te cachant derrière le nom de votre ami commun.

« A ton aise. » articule-t-il chaleureusement derrière son sourire froid. Tu en frissonnerais, si ce n'était pas toi.

Jin Guangyao se lève pour observer les décorations choisies et son visage semble s'éclairer un peu. Tu penches légèrement la tête sur le côté, et tu pourrais presque te laisser prendre au jeu si tu ne devais pas te tenir sur tes gardes.

« A-Ling, A-Ling, tu me gâtes beaucoup trop. » dit-il en riant et en se redressant pour poser une main sur la tête de son neveu.

Tu notes qu'il fait beaucoup ce geste, signe d'affection. Serait-il donc sincèrement attaché à son neveu ? As-tu eu la faiblesse de cœur de t'enraciner quelque part au milieu des mensonges et des faux semblants ?

"Je ne sais d'ailleurs toujours pas ce qu'est un karaoke."

Jin Guangyao sort un téléphone de la poche de sa veste à ce moment précis. Aurait-il reçu un message important ? Tu penches la tête sur le côté et observes la scène en silence.